Par cet article, je voudrais partager avec vous une problématique commune à tout environnement de fabrication, à savoir comment gérer les temps gammes ? Qui est responsable de leurs définitions et comment les optimiser grâce à l’apport de chaque opérateur de votre atelier ?
Bien souvent, c’est le département des méthodes qui définit en collaboration avec la fabrication la fameuse gamme opératoire et les temps associés (temps de réglage et temps unitaire d’exécution) La collaboration est d’ailleurs parfois délicate car l’opérateur a tendance à être méfiant du méthodiste qui finalement va lui assigner un temps objectif théorique alors que c’est bien lui qui est en charge de la pratique.
Une fois la définition des temps faite alors on va suivre les comparaisons entre les temps réels et les temps gammes et le méthodiste reviendra régulièrement vers l’opérateur pour challenger les dépassements et les comprendre ou acter des baisses de temps en s’appuyant sur des réalisations performantes.
Cependant cette organisation aboutit à des résultats stériles, les temps progressent peu contrairement aux conflits entre méthodes et fabrication qui sont monnaie courante.
Alors quelle organisation ? Concrètement il faut en revenir au bon sens qui vise à responsabiliser et à motiver le producteur sur sa capacité à délivrer de la valeur. Si je fais 8 fois la même fabrication, il est évident que je suis plus à même de proposer des astuces ou des adaptations qui vont permettre d’optimiser le process de fabrication (et donc les temps)
Une bonne gestion des gammes de fabrication doit donc permettre à l’opérateur d’influencer les process qu’il maitrise avec l’accord de son management et d’un garant méthodes. Le département méthodes doit lui se concentrer à simplement documenter les consignes techniques sur des points de vigilance spécifiques qui garantiront la qualité de la pièce.
En résumé, l’expérience des process du producteur et les consignes techniques du méthodiste permettront de garantir la qualité et l’efficience de la production (si on fait un parallèle avec la cuisine, un quidam lambda sait exécuter une recette mais ce sont les 2-3 astuces des moments clés qui permettront d’atteindre le graal)
Concrètement cela se traduit comment ? La fabrication doit réaliser et maintenir des modes opératoires validés par les méthodes qui complèteront ces modes par des spécifications techniques ne contenant que les points de vigilance à respecter par les opérateurs.
Concrètement, l’opérateur travaillera avec son mode opératoire, sa spécification technique et parfois une spécification métier (ex : spécification de soudure ou de collage)
Comment réalise-t-on un mode opératoire ? On lé réalise bien souvent sur un ou plusieurs A3 où l’on va décomposer les tâches du process de production (prendre son Ordre de Fabrication, saisir le bon outillage, visser 2 pièces ensembles, …). Pour chacune tâche on indiquera les outillages nécessaires, les contrôles éventuels (porte qualité par exemple), les EPI indispensables.
En face de chaque tâche, on pourra associer une photo ou une vue CAO.
Ce travail est souvent fait conjointement entre l’opérateur qui décrit ce qu’il fait et son manager de proximité qui rédige manuellement le A3. L’appropriation par la fabrication est alors totale et suite à cette rédaction l’amélioration continue prendra ensuite le relais pour optimiser le mode opératoire…
Chaque tâche se verra attribué un temps nécessaire et une couleur : vert et rouge. L’esprit Lean prend le relais car le vert est utilisé pour les tâches à valeur ajoutée (visser les 2 pièces ensemble) et le rouge pour les tâches à non valeur ajoutée (saisir le bon outillage)
L’opérateur pourra ensuite proposer à loisir des améliorations de process en visant en priorité à tuer les tâches rouges ou via une astuce ou un outillage à fiabiliser les tâches vertes. La richesse est de capturer les meilleures pratiques de chaque opérateur pour les documenter et donc les démocratiser.
Tout le challenge restant est de trouver le support efficace qui permettra de prendre en compte la proposition d’amélioration de l’opérateur et de maintenir rapidement et facilement le mode opératoire (via une validation par exemple d’un correspondant méthode intégré à la fabrication)
Cette démarche parait simple, attention toutefois elle constitue un changement culturel majeur pour la fabrication et la fonction méthodes, l’installation des modes opératoires demande donc un accompagnement serré avec des personnes expérimentées et ensuite des audits réguliers mais les gains peuvent ensuite être spectaculaires…les modes opératoires avec la logique vert-rouge pérennisant réellement le Lean au sein de votre production.